Les Saisons Ensemble Vocal

Au temps de Rameau

Le marquis et la marquise de Faventines dans leur château de Puteaux
Jean Valade 1710-1787 – Reproduction © Jean-Luc Paillé / CMN

À Puteaux, vers le milieu du 18ème siècle, musique et danse baroque sont à l’honneur au château de Gramont : Antoine VII, duc de Gramont depuis 1745 perpétue la tradition fondée par son grand-père, bâtisseur du château de Puteaux en 1698, et amateur de réceptions agrémentées de spectacles musicaux fréquentées par les Grands de la Cour.

Le plus éminent violoniste de son temps, Jean-Marie Leclair, professeur du châtelain, donne la première représentation de son opéra Sylla et Glaucus à l’Académie Royale de Musique à Versailles en 1746. Pour le château de Gramont, le duc lui commande des divertissements composés de ballets et d’opéras dans lesquels Antoine lui-même joue les premiers rôles avec sa maîtresse, Madeleine Josèphe Fauconnier.

Dans le même temps, Jean-Philippe Rameau, à une lieue de Puteaux, anime la vie musicale d'un autre château. En effet, le compositeur, qui habite à Paris travaille depuis plusieurs années pour le bien nommé fermier général Alexandre Le Riche de La Pouplinière tout en étant par ailleurs très sollicité : Louis XV l’a choisi depuis 1745 pour occuper les fonctions de « compositeur de la musique de chambre du Roi » et « musicien officiel des spectacles de cour ». Par exemple Les Indes Galantes sont jouées en 1750 au Concert de la Reine. Il participe en outre à la programmation du Concert Spirituel à Paris : pour lequel il remanie le motet in convertendo en 1751.

Quand de La Pouplinière acquiert la jouissance du château de Passy en 1747, il convie Rameau à y faire des séjours estivaux, afin d’y organiser tous les aspects de la vie musicale, comme en témoigne Marmontel: » Rameau y composait ses opéras, et les jours de fête, à la messe de La Chapelle domestique, il nous donnait sur l’orgue des morceaux de verve étonnants « . En outre, il dirigeait l’orchestre et pourvoyait à l’animation des fastueuses réceptions. « L’élite des spectateurs, ambassadeurs d’Europe, la plus haute noblesse, et les plus jolies femmes de Paris y étaient invités… » Selon le même Marmontel.

Tandis que Rameau séjourne de temps à autre à Passy jusqu’à sa brouille avec La Pouplinière en 1753, à Puteaux, le château de Gramont est vendu au duc de Penthièvre depuis 1751. Le nouveau propriétaire, petit fils de Louis XIV et de Madame de Montespan n’a pas hérité de son grand père le penchant pour la musique et la danse. Le château cesse d’être le cadre de grandes fêtes musicales lors des réceptions. Une dizaine d’années plus tard, le duc de Penthièvre occupe comme locataire le château de Boulainvilliers, nouveau nom du château de Passy, ce même château où avait résonné  la musique de Rameau tandis que le château de Gramont est racheté par le fermier général Pierre Faventines de Fontenille dont le portrait par Jean Valade permet de découvrir l’aménagement intérieur d’un salon de musique ainsi qu’un mobilier de style Louis XV.

Au milieu du 18e siècle, c’est le même monde aristocratique et musical qui évolue à Puteaux, et non loin de là à Passy. Tous ces hommes se connaissent et se rencontrent. Rameau qui rayonne dans toute l’île de France, de Versailles à Fontainebleau représente une référence musicale au château de Gramont*. Est-il venu à Puteaux ? Nous aimons à le supposer …

*« Rameau avait pris du Ballet « le Triomphe des Arts » L’acte de Pygmalion qu’il a refait entièrement. M le duc de Gramont suivit la même idée pour les quatre autres actes : il fit travailler Le Clair pour l’harmonie et Naudet pour la mélodie. »(extrait de Mercure de France, nov. 1764, lettre sur la mort de J.M. Leclair)